Les polluants atmosphériques, les micro-plastiques dans les océans, les gouttelettes dans les nuages, les poussières dans les disques proto-planétaires, les sprays dans les moteurs ne sont que quelques exemples d’écoulements turbulents chargés en particules. Malgré son omniprésence dans une multitude de situations naturelles et industrielles, le transport turbulent de particules renferme encore bien des mystères que la communauté scientifique s’efforce de percer. L’exemple emblématique du transport atmosphérique de particules illustre toute l’importance et tous les enjeux de cette problématique. L’air de la basse atmosphère contient en moyenne plusieurs centaines de minuscules particules par centimètre cube. Leur origine est à la fois naturelle (sable, cendres, iberolites, pollens, gouttelettes, etc.) et anthropique (polluants, radio-nucléides artificiels, etc.). Les particules les plus fines peuvent être transportées à l’échelle planétaire par les vents avant de retomber sur le sol ou les eaux. Lorsqu’elles sont en suspension, elles jouent un rôle crucial dans de nombreux phénomènes (formation des nuages et de la pluie, diffusion et absorption du rayonnement solaire et terrestre, etc.). Lorsqu’elles se déposent, leur impact est également crucial avec des effets tantôt positifs (comme la pollinisation) mais aussi des conséquences néfastes (modification de l’albédo des grands glaciers, contamination des eaux, dépôt de polluants, risques respiratoires, etc.). Les enjeux environnementaux, climatiques et sanitaires associés sont donc immenses.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, notre capacité à modéliser le transport de ces particules est si faible que nous sommes par exemple encore incapables de nos jours de prédire avec précision une grandeur aussi simple que la vitesse de chute d’une goutte de pluie dans l’atmosphère. Ceci est lié d’une part à la difficulté de comprendre et de modéliser la turbulence des fluides et d’autre part à la complexité des couplages à l’œuvre entre les particules en suspension et la turbulence qui les transporte. Ces couplages peuvent conduire à des comportements totalement contre-intuitifs où la turbulence tend par exemple à rassembler les particules plutôt qu’à la disperser, où elle favoris leur chute plutôt que leur resuspension, etc..
Nous n’avons pourtant jamais été aussi près d’espérer obtenir enfin des réponses. Au cours de la dernière décennie, la recherche en mécanique des fluides a connu une véritable révolution grâce au développement de techniques expérimentales permettant de suivre des milliers de particules avec des résolutions spatiale et temporelle spectaculaires, et grâce à de nouvelles approches de simulations numériques et de nouvelles perspectives théoriques, laissant entrevoir des percées majeures dans notre compréhension des processus de couplage entre particules et turbulence.
Au cours de cette exposé, je présenterai les enjeux liés à la recherche contemporaine sur le transport turbulent de particules, illustrant la richesse des mécanismes physiques fondamentaux en jeu, ainsi que l’arsenal d’outils dont disposent les scientifiques pour tenter de les élucider.