Hugo Duminil-Copin, Professeur à l’IHES et à l’université de Genève a reçu la Médaille Fields lors du Congrès international des mathématiciens d’Helsinki en juillet 2022 pour ses travaux en physique statistique. Sciences et Société aura le plaisir de recevoir Hugo Duminil-Copin le 24 novembre prochain pour sa conférence « Du café aux mathématiques ». En attendant de découvrir sa conférence, il a accepté volontiers de répondre à nos questions.
Vous avez dit dans plusieurs interviews « au départ, les maths n’étaient pas ma passion ». Voudrez-vous nous parler de vos passions lorsque vous étiez petit (primaire, collège, Lycée), puis comment vous vous êtes trouvé en classes préparatoires scientifiques, puis à l’ENS en Math ?
HDC : Enfant, je pratiquais énormément divers sports (handball, escalade, badminton, karaté, etc.). J’avais clairement un intérêt pour les sciences, en particulier l’astronomie, et un certain plaisir à faire des mathématiques, mais ces dernières n’étaient clairement pas au-dessus de mes autres centres d’intérêt. J’ai même hésité entre un sport étude et Louis-Le-Grand, pour lequel j’ai finalement opté. Une fois entré au lycée, les choses se sont enclenchées. Mes études ont révélé mes aptitudes en mathématiques, et en parallèle il m’est apparu de plus en plus clairement que cette matière avait une composante créative très importante, ce qui a fini de me convaincre.
Comment avez-vous choisi les probabilités comme thématique de recherche ?
HDC : Les probabilités sont venues d’un enchainement de rencontres. Tout d’abord avec Jean-François Le Gall qui fut mon professeur à l’ENS Ulm. Il est l’un des meilleurs pédagogues que j’ai rencontrés. Après son cours, dans lequel les difficultés semblaient se « dissoudre » (comme disait Alexandre Grothendieck) pour ne laisser qu’un enchainement sans effort de notions de plus en plus puissantes, il était clair que je me dirigerais vers les probabilités. J’ai donc commencé un master dans cette branche des mathématiques à l’université de Paris Sud (maintenant Paris Saclay). Parmi mes professeurs se trouvait Wendelin Werner, qui nous initia à ce qui allait devenir mon domaine de recherche, la physique statistique. Celle-ci représentait la combinaison parfaite de ce que j’aimais en mathématiques et en physique : la transcription de l’intuition physique du monde qui nous entoure en termes mathématiques rigoureux.
A l‘ENS, vous aviez Wendelin Werner (Lauréat de la Médaille Fields en 2006) comme tuteur, pourquoi n’avez-vous pas préparé votre thèse avec lui ?
HDC : Wendelin Werner est un mentor pour moi et j’envisageais au départ de faire une thèse avec lui. Cependant, celui-ci m’a conseillé de me diriger vers un chercheur qui enchainait à l’époque les percées majeures et se trouvait au sommet de son art en 2008, Stanislav Smirnov. Je suis donc parti pour Genève, où j’ai fait mon doctorat sous la direction de ce dernier, puis j’ai obtenu un poste de professeur au même endroit.
A partir de quelle année, avez-vous commencé à penser à la Médaille Fields ?
HDC : Si par penser, on entend adapter son comportement afin d’optimiser mes chances de l’obtenir, alors la réponse est que je n’ai jamais commencé à y penser. Je savais depuis longtemps que je faisais partie d’un groupe élargi de personnes qui pouvait l’obtenir, mais je n’en ai pas tenu compte dans mes choix professionnels.
Vous parlez souvent de la beauté d’une démonstration mathématique. Comment montrer cette beauté à une personne qui n’est pas en mesure de comprendre la démonstration ?
HDC : La beauté est très subjective. Je pense donc que la première étape est de créer un lien affectif avec la discipline, qui ne se résume pas aux souvenirs pénibles de ses cours de mathématiques. Une bonne façon de créer ce lien est de pratiquer la matière. Avant la beauté d’un résultat, il y a déjà la satisfaction de le comprendre, ou encore mieux de le prouver. Le processus créatif en mathématiques réside dans la résolution des énigmes mathématiques. Une fois que la personne a pu expérimenter ce plaisir et cette satisfaction de résoudre une question mathématique, elle commencera à entrevoir la beauté qui réside dans les outils, les raisonnements logiques, les principes mathématiques qu’elle a utilisés. L’abstraction mathématique deviendra alors quelque chose de concret et de puissant, et la personne percevra son aspect miraculeux et magnifique.
Pour en savoir plus sur Hugo Duminil-Copin, vous pouvez consulter sa page personnelle.
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